Les 4 composantes de la douleur – Grand public – Détaillée
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Grand public
La douleur est un phénomène, dont l’expérience (ce qu’on connaît personnellement après l’avoir vécu) est subjective (il s’agit de soi-même, à titre individuel) et nécessite, pour exister, de mettre en jeu simultanément quatre composantes qui agissent les unes sur les autres.
Les 4 composantes de la douleur :
Comportementale
« Je fais selon ce que me dicte ma douleur. »
Cognitive
« Comment j’explique les causes et les conséquences de ma douleur. »
Émotionnelle
« Ce que je ressens au fond de moi quand la douleur arrive. »
Sensorielle
« Les sensations que je ressens dans ma chair lors de la douleur. »
On résume trop souvent la douleur à sa composante sensorielle, en négligeant les trois autres, pourtant essentielles. La douleur peut exister sans qu’une lésion ne soit obligatoirement mise en évidence. Qu’importe sa cause, la douleur doit être reconnue, évaluée et traitée dans son ensemble, c’est-à-dire en considérant ses quatre composantes.
Cette fiche propose de détailler ce qui participe à la construction de la douleur dans des aspects de la vie quotidienne. Ces exemples peuvent prendre des formes variables d’une personne à l’autre, selon l’héritage culturel et l’histoire personnelle de chacun.
Définition 1IASP 2020 :
« Une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée ou ressemblant à celle associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle.
[La douleur peut être aiguë (de courte durée) ou chronique (prolongée au-delà de 3 à 6 mois).] »
1IASP : International Association for the Study of Pain
Sommaire
La composante comportementale
Elle correspond à notre façon d’agir du fait de la douleur : ce sont les comportements « douloureux », mais aussi la manière dont le corps exprime la douleur au moment des accès douloureux. Ces comportements peuvent se mettre en place sans en avoir conscience, de façon automatique, conditionnée.
« Je fais selon ce que me dicte ma douleur. »
Le saviez-vous ?
Pour échapper à un mal de dos récent, spontanément, nous évitons les mouvements le mettant en jeu, en attendant la guérison. Si malheureusement la douleur s’est durablement installée, la peur de la douleur se transforme en peur de l’activité qui conduit finalement à l’affaiblissement physique et à l’absence de mouvement qui elle-même entretient la douleur. Il est important d’évoquer à temps et soulager efficacement la douleur. Ceci diminue la peur et permet d’exposer avec assurance à des situations normales de vie constitue une voie de sortie de ce cercle vicieux.
Les évitements
• Inaction : marche, station debout, activités physiques…
« J’évite certaines activités par peur d’avoir mal. »
• Posture physique (attitude antalgique/douloureuse) : rester allongé, dos courbé, épaules rentrées…
« Pour protéger mon corps de la douleur, je me tiens différemment. »
La communication
• Réactions physiques à la douleur : pleurer, souffler, gémir quand on a mal, les expressions du visage et les postures et comportements physiques.
« Dire « aïe » en grimaçant quand on se penche. »
• Expression de la douleur : la douleur, la fatigue, l’angoisse… peut prendre la forme d’une plainte.
« J’en peux plus, j’ai trop mal. »
• Demandes répétées pour obtenir un anti-douleur, de l’aide dans les tâches quotidiennes, un arrêt de travail auprès de son médecin…
« La douleur est toujours là, pouvez-vous encore prolonger mon arrêt ? »
L’isolement
• Absentéisme et retrait social : limiter ses déplacements, ses sorties, ne plus se déplacer aux évènements, aux soirées, ne plus aller travailler…
« Je suis trop fatigué pour venir. »
• Ne plus s’exprimer : parler moins, se taire, ne plus répondre aux messages, ne pas en envoyer, mutisme…
« Je n’ai envie de parler à personne. »
Le comportement défensif
• Irritabilité : diminution de la patience, hausser la voix, susceptibilité…
« Tout m’énerve ! »
• Conflit : dispute avec les proches, conflit sur le lieu de travail (incompréhension des collègues, de l’employeur…), avec les professionnels de santé (incompréhension, problème de dialogue…), organismes sociaux (MDPH refus de reconnaissance du handicap, assurance maladie…).
« J’en ai assez qu’on minimise ma douleur ! »
La composante cognitive
Elle correspond à ce qu’on pense lors de la douleur : les idées, les croyances, les pensées qu’on peut évoquer concernant le sens et l’impact qu’on attribue à la douleur. Il s’agit de processus mentaux qui participent eux-mêmes à la douleur.
L’environnement social et culturel contribue grandement à l’élaboration de ce type de pensées. L’incompréhension et/ou la mauvaise interprétation de certains signes augmentent l’anxiété et la douleur. À l’inverse, obtenir une explication satisfaisante sur l’origine de la douleur et son mécanisme permet de rassurer et d’apaiser.
« Comment j’explique les causes et les conséquences de ma douleur. »
Le saviez-vous ?
Les médecins ne croient que ce qu’ils voient. Les témoignages abondent de personnes éprouvant des douleurs pour lesquelles aucune cause ne semble se dessiner et à qui on explique : “cette douleur est dans votre tête”. Sans anomalie détectable, pas de légitimité, et reste alors la culpabilité liée à la minimisation de l’état : “alors que je souffre, on me dit que ma douleur n’existe pas” ou peut-être : “si on n’a rien diagnostiqué, cela va s’aggraver…” Ces pensées provoquent une sensation d’isolement et de l’anxiété.
Mon état actuel
• Dégradation de l’estime de soi :
« Je ne suis bon à rien, je suis une charge. »
L’origine de ma douleur
• Chercher dans son corps les causes de la douleur :
« On ne trouve pas, on ne comprend pas ce que j’ai ; j’ai sûrement une maladie grave, rare, qui ne se guérit pas. »
Existe-t-il des responsables de ma douleur ?
• Moi, avec mes comportements passés :
« Je me suis blessé, j’ai une mauvaise hygiène de vie. »
• Les autres :
« Quelqu’un m’a blessé, mes parents m’ont transmis une maladie, j’ai eu un accident du travail. »
• Le destin : Il n’y a pas d’autre explication.
« Je suis né malade, je suis maudit. »
Quel avenir avec la douleur chronique ?
• Évolution de la douleur : incertitude, manque de visibilité, pessimisme.
« Je vais toujours avoir mal, ma douleur va empirer. »
• Évolution du quotidien : deuil de la vie avant la douleur, acceptabilité de la douleur chronique.
« Je ne pourrai plus faire ce que je veux, je vais être de plus en plus dépendant, je ne pourrai plus travailler comme avant ; je voudrais être comme avant. »
La composante émotionnelle
Elle correspond aux émotions que je ressens en mon for intérieur, mon intimité, dans le contexte de la douleur. Ces émotions sont généralement teintées de négatif et il existe une répulsion naturelle à la douleur. De même, le contexte émotionnel préexistant influence le ressenti douloureux.
Le déroulé de la vie avec une douleur chronique présente au fil du temps des fluctuations de la douleur elle-même. L’alternance de périodes d’amélioration puis d’aggravation est bien entendu susceptible d’influencer le ressenti émotionnel de la personne douloureuse. La douleur devenue chronique correspond à un sentiment de perte assimilable à un deuil de la « vie d’avant ».
Les aspects décrits ici correspondent à la composante émotionnelle lors des périodes douloureuses.
« Les émotions que je ressens lors d’une douleur. »
Le saviez-vous ?
Chacune dans une salle de bloc de la même maternité, deux femmes sont accouchées par césarienne, au même terme et avec la même méthode chirurgicale. Dans le premier cas, le bébé est en bonne santé. Dans le deuxième, malheureusement, l’enfant décède immédiatement. Dans la joie de l’arrivée de son enfant, les douleurs post-opératoires s’avèrent bien moins importantes pour la première maman.
Peur, anxiété
• Manifestations physiques possibles : boule au ventre, boule dans la gorge, tremblements, palpitations, sueurs, nausées, envie d’uriner plus fréquentes, plaques rouges sur la peau.
• Manifestations psychologiques possibles : pensées parasites, anticipations négatives.
• À propos de son état de santé :
« Mes douleurs ne vont jamais disparaître, je vais avoir de plus en plus mal. »
• À propos de la qualité des soins :
« Je n’ai aucune solution pour aller mieux, personne ne m’aide, les médecins ne me croient pas, ne m’écoutent pas. »
• À propos de la perte d’autonomie :
« Je ne pourrais plus me débrouiller seul, je vais dépendre de mes proches, je suis une charge. »
• Impacts sur le quotidien possibles : ne pas réussir à décider, agir, développer des comportements pour tenter de reprendre du contrôle (mouvements répétitifs, tocs, rituels, automutilation ...).
Tristesse
• Manifestations physiques possibles : fatigue, manque d’air (diaphragme contracté), boule au ventre, dans la gorge, pleurs, voix cassée, qui tremble.
• Manifestations psychologiques possibles : dépression, abattement, envahissement moral (baisse de l’estime de soi, humiliation, culpabilité, honte), envahissement mental (ruminations, perte de l’envie).
• Perte et découragement :
« Je n’arrive plus à faire certaines choses (activités, s’occuper des enfants…), j’ai moins d’énergie, je ne peux plus travailler comme avant, j’ai perdu une partie de mon indépendance, des facultés cognitives. »
• Manque de reconnaissance, solitude :
« Personne ne me comprend, ne me parle de ma santé, mes proches se sont éloignés depuis que je suis malade, mon état s’est dégradé. »
• Impacts sur le quotidien possibles : inaction, plus envie de rien faire, envie de rester au lit toute la journée, envie de dormir plus (éviter le quotidien), automutilation.
Dégoût
- • Manifestations physiques possibles : visage crispé, sourcils froncés, nausées, goût désagréable dans la bouche, attitudes antalgiques pour éviter la douleur.
• Manifestations psychologiques possibles : répulsion vis-à-vis de la douleur, rejet.
• Image de soi :
Trigger Warning : TCA (Trouble du Comportement Alimentaire)
« Je me trouve laid, je me trouve trop gros, trop maigre, mon corps me dégoûte, je ne me reconnais plus. »
• Sentiment d’être mal soigné :
« Ce médecin ne m’a pas écouté, j’ai un suivi, traitement médical régulier et pourtant mon état ne s’améliore pas, empire. »
• Impacts sur le quotidien possibles : trouble de la sexualité, perte de libido, changements fréquents de médecins.
Colère
- • Manifestations physiques possibles : tension, pouls rapide, respiration rapide, haussement de ton, agitation, traits tirés, mimiques.
• Manifestations psychologiques possibles : impulsivité, instabilité émotionnelle, sentiment d’injustice.
• Sentiment de manque de reconnaissance :
« Les médecins, mes proches, collègues pensent que je mens, que mes douleurs sont dans ma tête, on me demande de vivre « normalement », comme si mes douleurs n’existaient pas. »
• Sentiment de manque de bienveillance :
« On refuse de m’écouter, me proposer un traitement, un suivi, on me dit que je mens, on me traite de fou, de folle, d’hystérique, on minimise mon état, on me refuse le statut de personne handicapée. »
• Impacts sur le quotidien possibles : conflits, décisions hâtives, gestes emportés, blessures.
Honte
- Manifestations physiques possibles : corps crispé, recroquevillé sur lui-même, mal à la tête, rougissement et/ou irritation de la peau, démangeaisons.
• Manifestations psychologiques possibles : culpabilité, tristesse et dégoût.
• Impacts sur le quotidien possibles : pas envie de voir, parler à des gens, envie de rester caché dans son coin.
« Je suis incapable de faire des tâches quotidiennes, mon travail, des activités, me concentrer. »
Stupeur (surprise)
• Manifestations physiques possibles : yeux grands ouverts, bouche ouverte, sourcils relevés, ne pas réussir à réagir face à la situation (sidération), gestes réflexes.
-
• Manifestations psychologiques possibles : pensées embrouillées, voire suspendues.
• Impacts sur le quotidien possibles : incompréhension (en cas d’accès douloureux).
« Je ne comprends pas pourquoi j’ai mal, le médecin ne va pas m’aider, je ne sais plus quoi faire, je suis désemparé. »
La composante sensorielle
C’est ce qui correspond à ce qu’on sent, ce que la douleur fait au corps. Celui qui est capable de parler de cette sensation décrit sa nature, sa localisation, son intensité, son évolution dans le temps. La composante sensorielle est liée à l’analyse par le cerveau d’un message véhiculé par les nerfs.
« Les sensations que je ressens dans ma chair lors de la douleur. »
Le saviez-vous ?
Nous avons souvent conscience d’une blessure par le biais de la douleur et le corps nous indique en général l’endroit de la lésion. Dans les suites d’une amputation, des douleurs réapparaissent dans un membre qui pourtant n’existe plus ! Ce sont les nerfs sectionnés qui envoient des messages anormaux que le cerveau analyse comme s’ils venaient du membre en question. Le cerveau transforme alors ces fausses informations en douleur.
Nature de la sensation
La sensation peut évoquer une piqûre, une brûlure, du froid douloureux, une contracture, de la pression (étau), une décharge électrique, des fourmillements, une modification de la sensibilité, etc.
En absence de lésion des nerfs, la douleur est le résultat de stimulus de différentes natures, perçus par des récepteurs différents disposés dans le corps. Le type de douleur ressenti en dépend. Par exemple, un stimulus avec de la chaleur active un récepteur à la chaleur, qui entraîne une sensation de brûlure.
Dans certains cas de figure, la douleur ressentie n’a pas de rapport avec un stimulus précis, car elle est liée à une altération du système nerveux lui-même qui envoie des messages anormaux au cerveau.
Localisation
Le message douloureux arrive dans une zone du cerveau qui permet de localiser la région atteinte.
« Je me suis blessé au coude, j’ai mal au coude. »
« J’ai un problème cardiaque (dans le thorax), mais je ressens la douleur au niveau de la mâchoire. »
Échelle d’auto-évaluation
Permet de localiser sa douleur
Intensité
Dans la douleur aiguë, l’intensité douloureuse est proportionnelle à l’intensité du stimulus ; on peut lui donner une valeur numérique. Il existe plusieurs échelles de douleur.
Échelle EVA
Échelle des visages : Faces Pain Scale – Revised
(FPS-R)
Attention : Quand on demande à une personne qui a mal un score correspondant à sa douleur, on ne mesure donc qu’une seule dimension de la seule composante sensorielle de la douleur.
La douleur aiguë, de courte durée, est le symptôme d’une agression du corps, à la différence de la douleur chronique, qui dure dans le temps, qui représente une maladie par elle-même.
C’est ainsi que dans le cadre d’une douleur chronique, un accès douloureux, même sans stimulus, peut être qualifié de très intense (10/10) car il est en fait émotionnellement insupportable.
Évolution dans le temps
La sensation douloureuse peut survenir de façon :
- Ponctuelle ou continue dans le temps
- Avec une intensité uniforme ou variable (pulsatile par exemple)
- À différents moments de la journée, de la semaine, du mois… ou rythmée par des facteurs déclenchants.
On peut noter toutes ces caractéristiques dans un agenda, préciser si la douleur est spontanée ou provoquée, sensible à l’action d’un traitement antalgique ou non.
Sur le même sujet
Vous pouvez trouver d’autres versions de cette fiche.
• Les 4 composantes de la douleur – Grand public – Synthétique
• Les 4 composantes de la douleur – Professionnels de santé – Détaillée
• Les 4 composantes de la douleur – Professionnels de santé – Synthétique
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Le CNRD (Centre National Ressources Douleur) est une structure de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (APHP), financée par une Mission d'Intérêt Général (MIG) du ministère de la Santé.
Le CNRD propose des informations et de la documentation sur tous les aspects de la douleur à destination du grand public et des professionnels de santé. Ces ressources sont accessibles sur le portail internet www.cnrd.fr.
Un formulaire de contact est disponible sur la page d'accueil du site.
Je suis Eden. Atteint de douleurs chroniques depuis l'enfance, je suis aussi actif dans des communautés de concernés. Je souhaite pouvoir aider les personnes avec des douleurs chroniques, leurs proches et les professionnels de santé à mieux comprendre la douleur grâce au projet Doulothèque.
J'ai une formation en design numérique.
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